Si j’avais à définir Solenn Thomas en un mot, je dirais spontanément qu’elle est « amoureuse du Vivant». Solenn aime, dans le plus beau sens du terme, elle aime au-delà d’elle tous ceux qui croisent son chemin, elle sème à tout vent et récolte dans la joie. Elle n’est ni psy, ni coach, ni experte, elle est tout simplement. Elle rassemble pour mieux essaimer des graines de sens et de lumière dans le monde si âpre du travail, suivie par une joyeuse bande d’Ekloreurs, nouvelle tribu des temps modernes. De grands yeux bruns ouverts sur le monde, un beau sourire aux lèvres, un brin d’espièglerie, une écoute pleine d’amour et de compassion, Solenn est à sa place. Elle révèle à chacun le meilleur de lui-même bien au-delà de ses compétences ou invite subtilement à éclore vers de nouveaux talents encore en sommeil.

Je dois la retrouver dans une belle brasserie parisienne. Je la savais en rendez-vous dans ce même lieu à midi, j’arrive comme prévu à 13h et découvre avec joie deux autres personnalités à sa table, Pierre Foldès, chirurgien engagé auprès des femmes excisées et Ryadh Sallem, champion paralympique et également entrepreneur social. Le plus simplement du monde, Solenn me présente par mon prénom, dit que tout est en commun pour déjeuner. Elle rajoute que je suis une personne de confiance et que ma présence ne doit pas perturber l’ambiance intimiste qui règne. La conversation profonde reprend son cours, je me sens en famille.

solenn-thomasIl y a encore quelques années son parcours m’aurait effrayé ; brillante chasseuse de tête dans un des plus grands cabinets parisiens, je n’aurais pas eu l’audace de lui parler… Pourtant, aujourd’hui ça me semble tellement naturel et évident que nous nous rencontrions. Je peux vraiment dire sans fausse pudeur que Solenn est ma sœur en humanité, une sœur qui m’inspire, une sœur qui compte pour moi. Pourtant c’est seulement la deuxième fois que nous nous voyons.

A 13h50, je n’ai toujours pas ouvert mon petit carnet avec mes questions. Solenn reçoit un candidat à 14h30, elle me propose de l’interviewer dans la voiture conduite par Ryadh qui nous raccompagne. J’avoue que c’est cocasse ces deux drôles de dames à l’arrière avec un chauffeur bienveillant et malicieux. J’aime cette spontanéité et ce naturel chez elle. A 14h20 nous la déposons à bon port. L’interview est finie. Je crois que j’ai battu tous mes records. En peu de temps vivre un échange subtil et vrai, fort et profond que vous allez lire ci-dessous.

Bonjour Solenn, peux-tu te présenter en quelques phrases ?

Avec grand plaisir. Je viens de la campagne, j’ai grandi près de Saint Etienne et je suis « montée » à Paris il y a dix ans pour commencer ma vie professionnelle. Je suis chasseuse de tête et j’ai la chance de recruter des grands patrons, je suis donc sur des chasses vraiment exceptionnelles. Pour te donner un exemple, je suis partie à vingt-cinq ans à Moscou recruter le patron des réseaux Citroën en Russie. A trente ans, ma vie est belle, je travaille exclusivement pour le président du cabinet et gagne très bien ma vie. Pourtant j’ai un sentiment de manque, je sens que quelque chose ne tourne pas rond. Je décide de découvrir la méditation. Non pas parce que je suis en souffrance ou que j’ai des choses à régler mais parce que j’ai envie de plus de sens. Peut-être est-ce un outil à intégrer dans ma vie ? Alors je pars vivre une expérience extrême qui consiste à méditer dix heures par jour pendant dix jours dans le silence total en mangeant des graines germées. Là-bas j’ai appuyé sur « pause ». J’avais une vie très active, toujours en train de faire, j’ai appris à tourner mon regard vers mon intériorité et j’ai découvert un monde auquel je ne m’étais pas ouverte jusqu’à présent, le monde de l’invisible, des réalités subtiles, le chant quantique du cœur.

Quand je suis revenue dans ma vie de bobo parisienne j’ai commencé à expérimenter une compassion et un amour du Vivant que je n’avais jamais expérimenté. Mon métier a changé : avant de rencontrer les candidats, avant même de chercher à évaluer leurs compétences, je les aimais.

C’est magnifique, ça a complètement changé ton métier de l’intérieur…

Oui c’est ça. J’ai toujours eu beaucoup de bienveillance mais là je suis passée à un niveau de conscience supérieur. J’ai compris que l’autre n’était pas simplement quelqu’un qui aurait pu être moi mais que l’autre était moi. Ce changement de regard change beaucoup de choses.

J’ai donc intégré la méditation dans ma vie depuis quatre ans, ce qui a eu un impact sur tous les plans de ma vie.

J’essaye de l’intégrer dans tous les petits actes de mon quotidien : quand je mange, je mange en conscience ; quand je marche, je marche en conscience ; avant de recevoir un candidat je prends un court temps de méditation pour me mettre en posture d’écoute véritable.

Tu as donc eu envie de plus ?

Oui. Après cette retraite il y a quatre ans, je ressentais cet Amour, cet Amour plus grand que moi et je ne savais pas quoi en faire. Et puis j’ai fait un rêve. Je me suis vu méditer à Bénarès, haut lieu de pèlerinage en Inde du Nord. Alors j’ai pris mon billet et je suis partie. En fait, Bénarès était une ville assez hostile pour une jeune femme occidentale en vadrouille en Inde, j’y ai passé dix jours d’errance difficiles avec des épreuves à répétition. Je suis retournée à Delhi au calme me ressourcer dans le quartier tibétain où j’ai pris un bon hôtel. Et là j’ai eu un nouveau saut de conscience en me levant le matin et en ouvrant mes rideaux. Je suis tombée sur une scène de grande misère, des gamins qui jouaient dans un bidonville que la veille je n’avais pas vu.

Je me suis demandé si j’étais responsable et à ce moment-là précis, j’ai compris que la réponse était « oui ». Je prenais conscience de mon pouvoir d’action et de ma responsabilité. Dans un monde qui souffre, j’ai le devoir d’agir. J’ai compris que j’étais partie en Inde pour prendre conscience de cela. En rentrant ma volonté d’agir était passé du cœur aux tripes.

Si la méditation a ouvert mon cœur, mon séjour en Inde a ouvert mon intelligence instinctive, mes entrailles ! L’Inde est un pays sensuel, sensoriel, de couleurs, de saveurs qui parle au corps autant qu’à l’esprit. Mais « où agir ? » était ma grande question.

A mon retour, j’ai trouvé une citation d’Aristote qui m’a inspiré : « Votre vocation, votre appel, c’est là où vos talents rejoignent les besoins du monde »

J’ai des talents de recrutement, de fédération et de communication. (Paraît-il que nous en avons tous entre 2 et 5 – rire). Je me suis emparée d’un sujet parmi tant d’autres qui est le sujet du travail. Comment créer un société plus inclusive, plus performante et plus humaine au travail ? Un terrain où chaque personne pourrait s’exprimer et être respectée pour qui il est tout en contribuant à créer un monde qui fonctionne mieux.

Aujourd’hui sept personnes sur dix au travail ne s’épanouissent pas et ne s’expriment pas véritablement et quinze pour cent de personnes n’ont pas de travail ou ne sont pas reconnues pour leur apport.

Quelle a été l’étape suivante ?

eklore-teamTrès simplement, j’ai réuni des amis pour brainstormer avec moi en leur partageant mon rêve : ré-enchanter le monde du travail, inspirer chacun à mettre du cœur à l’ouvrage pour faire vivre le grand corps social. On a avancé doucement au début. J’ai testé différentes choses et le projet s’est dessiné peu à peu. Eklore est un mouvement de conscience au travail pour aider chacun à trouver sa voie. Nous proposons des expériences à des personnes qui sont en questionnement professionnel. Nous organisons des ateliers pour aider les gens à mieux se connaître, trouver de nouvelles ressources intérieures, faire les bons choix professionnels (plus de deux-cent ateliers en deux ans). Nous travaillons aussi auprès d’étudiants : depuis 3 ans, nous organisons un programme éducatif à la Sorbonne pour des philosophes qui veulent apporter leur savoir en entreprise ou dans des associations. On les aide à comprendre qui ils sont, ce qu’ils voudraient être et à trouver un projet professionnel en accord avec leur posture de philosophe.

Parle-nous du grand projet de cette rentrée que vous travaillez depuis neuf mois je crois…

Oui !!! Le grand projet de cette année c’est le festival Eklore des talents et de l’emploi qui aura lieu le lundi 3 octobre à la Cité des métiers à la Villette. L’idée est de réunir des talents et des acteurs engagés pour changer de regard sur l’accès à l’emploi et le travail. Nous voulons vivre un moment fort de rencontres pour décloisonner les univers professionnels, connecter les dispositifs d’aide à l’emploi existants et valoriser tous les talents, ordinaires comme extra-ordinaires. Réunir ces gens sur un même temps et changer de regard sur le talent, sur l’emploi et donc le travailler ensemble.

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Vous pouvez aller sur le site festival Eklore.fr pour vous inscrire. C’est gratuit ou plus précisément, il y a 10 euros de réservation qui vous sont remboursés le jour J. Il y aura plus de cent bénévoles et intervenants et nous attendons plus de mille personnes.

Si tu avais trois conseils à donner à quelqu’un pour donner du sens au travail, que dirais-tu ?

La première chose c’est de sonder ses envies profondes. Où est-ce que j’ai de la joie ? Quelle activité me rend heureux(se) ?

La deuxième chose c’est de bien choisir avec qui on veut travailler au quotidien. Et quand on a la malchance d’être dans un environnement qui n’est pas porteur ou réjouissant humainement, trouver des réseaux, des communautés pour se relier aux autres et pour se ressourcer.

Le troisième conseil est d’apprendre à être présent à ce que l’on fait, même quand notre job nous semble inutile ou peu porteur de sens. Si nous apprenons à être présent à ce que l’on fait pour se reconnecter à la source de Vie qui est là, indépendamment de notre statut ou de nos actions, ça change tout. C’est ce que signifie l’expression « mettre du cœur à l’ouvrage » !

Si tu avais à choisir une personne clé de ton existence pour laquelle tu as beaucoup de gratitude, qui serait cette personne ?

C’est Ryadh Sallem qui est avec nous aujourd’hui car c’est l’homme qui aujourd’hui m’apporte le plus d’inspiration ; il m’apprend le courage d’être soi contre vents et marées, quelles que soient les cartes qu’on a en main à notre naissance (NDLR : Ryadh est né sans jambe et avec une seule main ; il est entrepreneur social et champion paralympique). La volonté qu’il porte de faire et d’imprimer dans le réel ses rêves les plus fous est remarquable et un exemple pour tous.

Comment peut-on aider EKlore ?

Si vous avez 5 minutes par jour, vous pouvez intégrer le groupe Facebook Eklore et nourrir les réflexions ; plus on sera nombreux à se relier, à échanger en vérité, plus on ira loin ensemble !

Si vous avez quelques heures, venez vivre les ateliers que nous proposons soit en tant que participant, soit en tant qu’animateur ou Ekloreur. Vous pouvez nous retrouver sur le groupe Meetup Eklore.

Si vous souhaitez vous investir davantage et intégrer notre belle vie associative, vous pouvez rejoindre l’équipe support, nous cherchons des financiers, nous avons besoin de créatifs, de gens qui savent écrire, d’organisateurs.

Solenn nous arrivons au terme de notre rencontre et je vais te poser la question clé. Pour toi que représente la gratitude ?

La gratitude, c’est le sentiment de reconnaissance d’un bienfait que l’on reçoit. Nous pouvons ainsi en ressentir à tout moment par le simple fait d’être vivant.

Un immense Merci Solenn pour toutes ces clés de compréhension que tu nous a partagées !

Merci d’être une magnifique Eklor-actrice du nouveau monde !

Que vous inspire ces pistes de réflexion ?